Militante du siècle dernier
Germaine Tillion est entrée au Panthéon le 27 mai 2015. La Nation lui a rendu hommage pour sa vie hors du commun. En quoi cela nous concerne t-il ? Germaine Tillion a créé les premiers centres sociaux dans l’Algérie en guerre des années 50.
Alors, le 26 mai 2015, Claudie Miller, la présidente de la fédération des centres sociaux de France, était à la cérémonie préalable à cette panthéonisation. Elle nous a raconté la vie de cette militante, née au siècle dernier et pourtant tellement moderne.
"De toutes les choses que j’ai faites dans ma vie, ce qui me tient le plus à cœur,
c’est d’avoir créé les Centres sociaux en Algérie. » déclare, en octobre 2003,
Germaine Tillion, dans le message qu’elle adresse pour l’inauguration d’un Centre
social au Puy-en-Velay.
Cette déclaration peut paraître étonnante, voire anecdotique, tant la grandeur de
la figure de Germaine Tillion est d’ordinaire associée à l’ethnographie, à la
résistance, aux camps de concentration ou encore à la « bataille d’Alger ». Pour
l’interpréter au mieux, il convient de prendre en son entier l’énoncé de Germaine
Tillion, en découvrant ses engagements successifs. Puis en examinant en
détail ce qu’elle a appelé elle-même la grande aventure des Centres sociaux en Algérie, dont la portée est souvent sous-estimée.
Elle a 27 ans, en 1934, lorsqu’elle part vivre dans les Aurès auprès d’une population qui n’a encore jamais vu un européen. Elle y fait plusieurs expéditions pour y étudier les familles et leur mode de vie. Toujours avec un très grand respect des hommes, des femmes et de leurs coutumes. En 1940, elle s’engage dans la résistance avant d’être déportée à Ravensbrück.
Germaine Tillion, conceptrice d’un ambitieux dispositif d’éducation populaire en Algérie
A la fin de 1954, les conditions d’existence des algériens se dégradent. Les enfants ne vont plus à l’école, le taux d’illettrisme frôle les 100%. Germaine Tillion imagine "une action qui concerne la totalité de la population et pas seulement pour une élite." Il s’agit du projet de création d’un vaste dispositif « d’éducation de base » qui s’adresserait à toute la population laissée pour compte.
A la fin de 1955, c’est l’avènement du service des centres sociaux en Algérie. L’idée étant que les hommes puissent se tirer d’affaire tout seul. Et que l’on s’appuie sur les bonnes volontés pour faire vivre le projet.
Elle observe ce qui se fait ailleurs dans le pays et en France et s’associe au Service des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire en Algérie.
Trois principes d’actions des centres sociaux des années 50
Le choix de la sédentarisation
Pour que les actions organisées concernent les individus d’un territoire et puissent faire également faire progresser les communautés.
La nécessité d’une action globale
"Tous les problèmes sont liés, qu’ils se rejoignent et s’imbriquent dans l’homme et dans la collectivité et que c’est un déplorable gaspillage des efforts et des ressources que de vouloir résoudre l’un sans les autres..." peut-on lire sur la la brochure de présentation du Service des Centres sociaux Algériens.
Le pari de la participation
"Il est un principe général et intangible sur lequel sont d’accord tous les éducateurs
expérimentés, c’est la nécessité d’une participation active de cette collectivité, la
nécessité si possible de son initiative."
Une équipe et des activités
L’équipe d’un centre social est composée d’un directeur et de plusieurs éducateurs. Elle anime des activités diverses et en proportions variables selon les conditions locales : de petits soins médicaux, un secrétariat social, des séances d’alphabétisation, des cours de préformation professionnelle, des cours ménagers, une pré-scolarisation pour les enfants, des ateliers libres pour des hommes, des foyers féminins, de l’éducation agricole, des coopératives d’’éducation de base.
En 1960, on en compte une soixantaine et ils seront plus d’une centaine en 1962, mobilisant un millier d’agents.