Poème

lundi de Pentecôte (extrait)
(parution in Liqueur 44, n° 81 Printemps 2006 et N4728, n° 11 Janvier 2007)

lundi 2ième étage bouton jaune ascenseur les oubliés sont là à la même place toujours tous les jours que dieu fait lundi compris ils n’ont pas bougé ne bougent pas ne peuvent pas bouger du fauteuil roues bloquées par les pieds vivants des corps blancs qui s’agitent autour

même décor même place tous les jours pas de jours tous les jours pareils printemps été automne hiver pas de jours fériés pas de jour travaillé chômé donné cadeau rien en retour rien le vide quel que soit le jour le mois l’année

des bouches ouvertes aux injonctions à la petite cuillère ouvrez la bouche pour les garder les conserver ne pas les perdre les retenir là encore un peu chaque jour que à la petite cuillère on les conserve on les remplit gavés on les retient nos oubliés

des corps blancs debout vivants s’agitent de droite à gauche naviguent entre les fauteuils de moleskine bleu-vert des corps blancs armés de petites cuillères de seringues et de poudre magique pour oublier d’un bout à l’autre de place en place de chambre en chambre dans le couloir le long couloir de chaque coté

ils sont tous là ils n’ont pas bougé ils ne peuvent pas les oubliés parfois un mot parfois un cri parfois des coups du plat de la main ils sont tous là ils ne bougent pas
parfois des mains qui touchent caressent cherchent ne trouvent pas des mains s’agrippent là bas avant ici

ils sont tous là ils ne bougent pas des corps assis couchés pas bouger dans des fauteuils de moleskine bleu-vert dont on ne voudrait pas
des corps assis parfois un geste un mot un râle leurs yeux

ici pas de grands hommes pas de spécialistes les oubliés faut pas pousser on va pas débourser un cri parfois un bruit les spécialistes on les voit pas ici ils ne viennent pas ça vaut pas la peine perdue

ils sont tous là ils ne bougent pas ne peuvent pas ils sont assis avec leurs yeux dedans parfois dehors des yeux assis sur des fauteuils de moleskine bleu-vert qui collent à la peau

des yeux perdus assis là avant là bas
les yeux assis à la même place tous les lundis que dieu fait parfois un mot une phrase de là bas avant ici
les oubliés d’un coté de l’autre ils ont perdu la langue perdu les dents perdu leur corps ils sont perdus nos oubliés

à la petite cuillère on les garde on les tient bien assis cuillère après cuillère ouvrez la bouche cuillère après cuillère goutte à goutte et poudre magique à heures fixes on les nourrit on les lave on les assied dans le fauteuil bleu-vert
on les soigne on pose les yeux là sur eux sur nous un jour peut être

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